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Lundi 17 novembre 1 17 /11 /Nov 00:47
      Un silence de plomb s'était subitement installé dans la pièce. Je m'étais très tôt étonné que Nanahara sensei eut un bureau personnel alors qu'il existait une salle des professeurs commune divisées pour les autres enseignants. J'appris par la suite – à ma grande surprise – que mon titulaire était en réalité le fils du directeur. J'imaginais très mal le lien de parenté entre le petit homme potelé et jovial et cet exigeant professeur principal... visiblement je n'étais pas le seul : beaucoup de commérages circulaient à ce sujet.

Un bureaux, deux chaises et un fauteuil plus confortable, quelques étagères... La pièce était relativement sobre... si l'on oubliait les animaux empaillés affichés au mur ou posés çà et là. Inutile de dire que j'étais très mal à l'aise. Mon professeur me tournait le dos, observant la pluie tombante derrière la fenêtre, silencieux. Je posai les yeux sur une fouine rousse qui trônait fièrement sur le bureau du professeur, gueule ouverte montrant ses dents. Elle me rendit un regard mort avec des yeux globuleux. Je déglutis péniblement en priant pour que cet entretien ne dure pas trop longtemps.

Le silence s'alourdit, brisé seulement par le bruit des gouttes de pluie tambourinant sur la vitre. Mon professeur n'avait visiblement pas l'intention de prendre la parole de sitôt... moi par contre, je voulais sortir d'ici au plus vite. Je me décidai donc à parler même si cela pouvait paraître impoli. En évitant soigneusement le regard vitreux de la fouine, je répétai ma dernière parole :

- Vous aviez demandé à me voir…

La pluie s'accentua dehors. Nanahara sensei ne répondit pas. J'attendis en me forçant au calme, il valait mieux éviter une crise de nerf. Soudain, mon professeur se retourna et vrilla sur moi ses yeux bridés derrière ses lunettes ovales. Il m'observa pendant plusieurs minutes qui me parurent interminables. Je n'osai pas le regarder en face, mais ne voulait pas non plus poser mon mes yeux sur ces animaux glauques qui parsemaient la pièce. Mon malaise s'accrut.

- Vous aimez vous faire remarquer, n'est-ce pas, Monsieur Chevalier ?

Sa question me désarçonna. Je ne comprenais pas à quoi il voulait en venir. Avais-je fait une bêtise ? Je me triturai les méninges sans succès. Nanahara poursuivit après quelques minutes, ses yeux perçants toujours posés sur moi.

- Et bien vous avez de la chance, vous avez atteint votre but...

J'étais totalement perdu. Que voulait-il dire par là ? Qu'est-ce que j'avais fait ? Qu'est-ce que je lui avais fait ???

Mon professeur s'avança de quelques pas. Mon coeur s'accéléra sans que je ne sus pourquoi. J'étais de plus en plus mal à l'aise et ne demandait qu'une chose : partir d'ici.

- En effet, je vous ai remarqué.

Les lèvres de l'homme s'étirèrent soudain, je ne pus m'empêcher de frissonner devant cet air carnassier et cruel qui m'était affreusement familier depuis mon arrivée au Japon et qui ne promettait rien de bon. L'adulte s'avança encore. Il fallait que je sorte d'ici, tout de suite.

- Euh... si vous n'avez rien à me dire je crois que je vais m'en aller...

Je repris mon sac et me levai ou tentai du moins. Une main s'abattit sur mon épaule, me forçant à me rasseoir.

- Vous croyez ? Tssss ne soyez pas si pressé voyons...

Un filet de sueur descendit le long de ma colonne vertébrale. La pression de sa main sur mon épaule se fit plus intense, m'empêchant tout mouvement. Je n'osais pas tourner la tête, regarder cet homme en face et lui dire d'aller se faire voir... bien que l'envie ne manquait pas.

L'homme se pencha vers moi, je sentis son souffle sur mon oreille et frissonnai davantage. Il me confia d'une voix suave:

- Nous avons tout notre temps...

Par Ein - Publié dans : Pain melon
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